Histoire de la présence consulaire française à San Francisco

La Californie, une terre française ?

JPEGLe 15 septembre 1786, Jean-François de La Pérouse jette l’ancre dans la baie de Monterey : il s’agit de la première présence française officielle en Californie. L’explorateur recueille de précieuses données géographiques et scientifiques sur la région, vantant ses « formidables ressources » et sa position stratégique. Le naturaliste et botaniste français, Eugène Duflos de Mofras, est envoyé sur la côte Pacifique dans les années 1840 et publie un livre[1] dans lequel il décrit cette vaste région peuplée d’à peine 4000 personnes. Les récits de Duflos attirent l’attention des gouvernements et Joseph de Rosamel écrit bientôt « qu’il est évident que la Californie appartiendra à la nation, quelle qu’elle soit, qui y enverra un général et deux cents hommes ». La côte ouest américaine intéresse tout particulièrement le roi Louis-Philippe Ier qui espère renouer avec l’immense empire français d’avant 1763[2]. L’envoi de Louis Gasquet en tant que Consul général de Monterey en novembre 1843 va dans le sens d’une politique offensive du gouvernement de l’époque. Cette présence inattendue inquiète les autorités américaines et mexicaines qui se livrent alors à une lutte sans merci pour accaparer la région. La France était le premier pays à posséder une représentation officielle en Californie et Gasquet, conscient de la place prépondérante qu’occupait alors la France, pressa le gouvernement d’envoyer des forces navales au plus vite. En refusant de reconnaître la souveraineté de Sloate et Stockton lors de la victoire américaine, Gasquet fut emprisonné pendant 51 jours (en réalité, une sentinelle fut placée devant sa résidence, l’empêchant ainsi de mener à bien ses missions consulaires). Après un échange de lettres diplomatiques, Louis Gasquet fut finalement libéré et remplacé par Jacob Moerenhout en octobre 1846. En préservant l’intérêt de ses ressortissants et en surveillant les agissements de ses turbulents voisins, Moerenhout rendit la région plus propice à l’immigration française. Il logeait au Consulat de Monterey qui se trouvait en bord de mer : « une maison spacieuse avec une belle roseraie et un verger[3] ».

La communauté française de San Francisco

À l’époque où San Francisco s’appelait encore Yerba Buena (« la bonne herbe »), on recense 3 Français sur les quelque 800 habitants [4]. Mais l’augmentation rapide de la population (23 000 habitants en 1852) incite le gouvernement du Président Louis-Napoléon Bonaparte à fonder le Consulat de France à San Francisco, nouvelle capitale économique de la région. JPEGLa France possédait déjà un agent consulaire [5] qui exerça ses fonctions jusqu’à l’arrivée du premier Consul général, M. Patrice Dillon le 22 juillet 1850. N’ayant pu s’installer dans une ville en chantier, le Consul accepte d’abord l’hospitalité d’un navire français mouillant dans la baie. Quelques temps plus tard, il fut décidé d’installer le Consulat à l’angle des rues Jackson et Mason. Le poste de Consul général de France à San Francisco est considérable puisqu’il s’agit de la représentation diplomatique la plus importante de tout l’ouest américain. Selon Jehanne Biétry-Sallinger, la Californie comptait 352 000 habitants dont 28 000 Français[6], autrement dit près de 8 % de la population totale. La mission principale du Consulat de l’époque était d’apporter une aide d’urgence aux nouveaux immigrants particulièrement démunis. Leur première démarche dans cette région lointaine et inconnue était de se rendre au Consulat afin d’obtenir des renseignements et de l’argent pour s’installer et pouvoir travailler dans les mines. San Francisco était une ville peu sûre et des rixes éclataient souvent entre les mineurs français et étrangers. Le Consul devait se rendre rapidement dans l’arrière-pays pour éviter la pendaison d’un de ses compatriotes par la population, comme ce fut le cas à Placerville en 1853. En outre, le Consulat organisait de nombreuses manifestations en l’honneur des événements heureux ou malheureux qui affectaient la France, comme en 1855 lors de la prise de Sébastopol. JPEGCette période troublée voit l’émergence d’une communauté française soudée et dynamique, grossie chaque jour par les bateaux transportant les migrants de la « ruée vers l’or ». La plupart sont restés et s’installèrent définitivement : l’érection de l’Eglise Notre-Dame-des-Victoires en 1856 en est l’exemple le plus frappant. Progressivement, la communauté s’organise et fonde restaurants, buanderies, théâtres vers Bush et Mason street : le Quartier Français est alors en plein essor.

Le Consulat général de France à San Francisco

À partir de 1892, le bâtiment consulaire déménage au 604 de la Commercial Street, près du port dans l’actuel Financial District. Des documents de l’époque délivrent une description précise du Consulat de France : « le local est modeste, l’accès en est abrupt, mais il paraît qu’il y a d’assez sérieux motifs pour que malgré des critiques souvent faites et par la colonie française et par des voyageurs français de passage[7], le consulat soit maintenu là où il est. Un crédit insuffisant de loyer est alloué au chef de poste qui doit parfaire de ses deniers personnels la somme intégrale (…) d’ailleurs, notre Consul aurait obtenu l’autorisation de faire rafraîchir les meubles antiques dont il dispose. Il faut ajouter que la grande majorité des consulats étrangers n’est pas en meilleure posture. Les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des prétentions de chacun[8]. » Le tremblement de terre de 1906 ruine la plupart des investisseurs français et le Consulat fut intégralement détruit. À l’image de la ville, les différentes communautés furent atomisées et se métissèrent. La Little France perd alors toute influence dans la vie locale et se dépeuple progressivement. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, qui avait vu se succéder deux Consuls au même poste (l’un représentant le régime de Vichy, l’autre la France Libre), le Consulat s’installe au 690 Market Street[9]. Il s’agissait en réalité d’un seul bureau qui centralisait l’ensemble des missions consulaires. Pour des raisons budgétaires évidentes, la résidence du Consul fut fermée et les réceptions officielles se tenaient juste en face, au Palace Hotel. Vers 1956, le Consulat déménage à nouveau vers des locaux plus spacieux, dans un immeuble de 3 étages toujours visible à l’angle des rues Bush et Taylor.

540 Bush Street

Durant les années 1970, le Consulat prend possession d’une belle demeure sur Jackson Street, dans le quartier du Pacific Heights. L’étroitesse du bâtiment et l’insalubrité des locaux forcèrent le ministère des Affaires étrangères à trouver un nouvel immeuble : en 1982, le Consulat installe ses nouveaux quartiers au 540 Bush Street.

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88 Kearny Street

C’est à la fin de l’année 2011 que le Consulat général de France à San Francisco déménage en plein de cœur du Financial District de San Francisco, au 88 Kearny Street.

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44 Montgomery Street

Après avoir occupé pendant 10 ans les locaux du 88 Kearny, le Consulat général s’est installé, en octobre 2022, à quelques blocs de celui-ci, au 44 Montgomery Street. L’objectif de ce déménagement était d’offrir un meilleur accueil en s’installant dans des locaux plus adaptés pour les usagers.

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Pour la liste des Consuls généraux depuis l’origine : Wikipédia.

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[1] DUFLOS de MOFRAS Eugène, Exploration du territoire de l’Orégon, des Californies et de la mer Vermeille, exécutée pendant les années 1840, 1841 et 1842, Paris - Arthus Bertrand, 1844.

[2] Traité de Paris qui dissout les possessions françaises d’Amérique.

[3] Selon l’article de Raoul H. Blanquet dans l’ouvrage Notre centenaire de Jehanne Biétry-Sallinger (1949).

[4] Estimation de la population en 1847.

[5] M. Guys de novembre 1847 à juillet 1850.

[6] Selon un recensement de 1853.

[7] Cette remarque fait référence à l’aspect très particulier du quartier qui concentrait maisons de jeux et lupanars.

[8] LEROY et PARILLAUD, San Francisco et sa Colonie Française, Carle Imprimeur, 1895.

[9] Selon Mademoiselle Juliette SABATOU, secrétaire au Consulat général de France de 1946 à 1975.

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Dernière modification : 24/10/2022

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